A'n-Arkhos, Alzheimer de l'Univers, ultime soubresaut de l'effondrement final.

Boucle  4

--- Cube, l'Incongruité. (L'Amnémosyum, planète artéfact, sanctuaire et matrice mnémonique)



 



L'artefact des sables du temps et de la mémoire croissait et se démultipliait.

L'artiste jouaient avec le crissement des grains glissant entre le sablier de ses doigts, tandis que son esprit transformait de sa brûlante inspiration la roche pulvérulente d'érosions millénaires en cristal natif, germe d'une vie artificielle qui accueillait son esprit bribes par bribes, éclat après éclat, jusqu'à la métamorphose finale de la planète en matrice copie de son esprit inscrit là, imprimée dans le moindre minéral sur ce monde jonché des gemmes aux couleurs des expériences de sa vie.

Tel un voyageur il déambulait sur ce monde, ramassant parfois au hasard une concrétion millénaire née en ce jour pour un futur sans limite. Le contact sufisait, souvent même le regard posé sur le tranchant d'un éclat déclenchait l'omnesya.
Ce retour du souvenir inscrit ici par l'amnesys.

Où avait-il trouvé l'inspiration pour ce procédé, qui somme toute s'il ne révolutionnait guère les techno-magies n'en portait pas moins la marque créative du chimériste.

Pour retrouver ce souvenir précis, ou n'importe quel autre il lui fallait se diriger vers le cristal de lumière. Et ses pas modifièrent sans y penser son environnement faisant apparaître au détour d'une falaise d'ocre rougeoyant une plaine circulaire comme un cratère, cirque gigantesque à la démesure du lieu, gardé par la roche érubescente, titanesque sphinx abstrait.

Au centre, vers lequel il se dirigeait en soulevant une pulvérulence si fine qu'elle semblait de brume, trônait dans son écrin de velours de sable un cube de cristal si pur qu'on peinait à le discerner sous la lumière trop crue. Seul l'astre Sélène possédait la lueur d'argent qui magnifiait la transparence fugace de cette architecture trop parfaite.

Laissant la nuit s'allumer de lumineuses ténèbres il continua son approche, et la proximité maintenant des murs de glace donnait à voir la taille de la muraille devenue ciclopéenne au-dessus de lui. Le surplombant comme un mirage d'une taille si inhumaine que de lever les yeux pour tenter d'en apercevoir le sommet donnait le vertige.

Ce n'est pourtant pas vers cette vision abyssale des cieux que son regard se porta, mais droit devant lui, à travers la paroi adamantine devenu voile impalpable à son approche.

Et devant lui se tenait un cube à ses justes proportions d'un noir d'insondable velours.
Il prit sa place à l'intérieur de celui-ci et se laissa transporter au centre de son monde.

Tout était là à portée de pensée, les myriades d'univers, les fantasmagories les plus folles, les beautés les plus somptueuses comme les laideurs les plus fascinantes.

Seuls manquaient les bonheurs simples. Mais comme il eut été fade d'être heureux, songeait-il, avec une pensée pour celle qui bien avant lui avait compris cela... L'ombre de Yourcenar vint chatouiller sa mémoire. Pourtant l'heure n'était pas aux souvenirs.

Quelque chose se détraquait...

Perplexe l'artiste se concentrait sur l'infime fêlure qui s'était muée en balafre infâme et menaçait son monde.

À l'Anneau du Temps il avait joué de nombreuses boucles, plongeant dans le passé pour en faire un futur. L'Önyriste Mnemosyste avait entamé un ballet mortifère et cruel avec Chronos, une chorégraphie mentale complexe, où le moindre faux pas pouvait l'éxiler à jamais.




Les îlots de mémoire formaient des Archipels, d'où émergeaient le ressac des vagues du temps, les volcans impétueux de l'origine des mondes, les brumes opalescentes gardant les mystères du destin.

Le Voyageur avait parcouru un long chemin pour retrouver son point d'origine.

Et entre chaque îlot, l'Artiste tissait les fils des cré-aspects, les liens d'âmes et de sang, les pactes et les trahisons... Les extases et les meurtrissures s'entrelaçant comme la couleur à la nuit, les étoiles et l'Unique, qui par delà le multivers dans leur infini déliquescence de sens psalmodient le son sacré.

Aum, pâle reflet du Verbe.